Luxembourg: dans un communiqué conjoint les associations Finkapé, Passaparola et Time For Equality font un premier bilan de l’action humanitaire en faveur d’une jeune famille africaine ayant fui la guerre en Ukraine, mise à la rue malgré leurs conditions de grande vulnérabilité, avec leur enfant de deux mois. Il ne s’agit pas d’un cas isolé.
Le contexte : une famille en situation de grande vulnérabilité mise à la rue
Début août 2022 une jeune famille avec un bébé de deux mois s’est vue intimer l’ordre de quitter le centre d’hébergement temporaire destiné aux personnes réfugiées d’Ukraine. Le couple était arrivé au Luxembourg après avoir fui la guerre en Ukraine, où ils venaient de s’installer avec des visas étudiants grâce aux traités entre ce pays et leur pays d’origine, le Nigeria. Suite à la décision de refus de la protection temporaire par le Luxembourg, contre laquelle un recours était encore pendant, et sans tenir compte de la grande vulnérabilité de la jeune famille, surtout de l’enfant en bas âge, né sur le territoire luxembourgeois, l’ONA procédait à l’expulsion immédiate avec interruption de tout soutien matériel et social. [1]
La réponse de la société civile
Face à l’émergence, un réseau d’aide s’est rapidement mis en place pour reloger la famille mise littéralement à la rue, la mettre ainsi en sécurité et subvenir aux besoins plus urgents dans le respect de leur dignité humaine. Un comité de soutien, composé par les associations Finkapé, Passaparola et Time For Equality, a lancé un appel aux dons afin de recueillir rapidement des ressources nécessaires, dans l’attente d’une régularisation ou de solutions alternatives pour la famille.
La collecte de dons financiers (environ 3000 € en quelques jours) et l’élan de solidarité de personnes privées et d’associations qui ont contribué par leur temps et travail et des dons en nature, ont permis de mettre en sécurité pendant trois mois cette jeune famille en situation de très grande vulnérabilité. Les dons financiers ont été intégralement affectés à des coûts effectifs pour la famille (logement, nourriture, transport, argent de poche, divers).
Nous souhaitons remercier ici toutes les personnes qui ont contribué par leurs dons et leur aide précieux témoignant ainsi les valeurs d’humanité et solidarité.
En parallèle au soutien matériel et au recours en contentieux en attente, et avec l’accord du couple, notre comité de soutien avec Passerell asbl et One People asbl a adressé un recours gracieux pour raisons humanitaires au Ministère des Affaires étrangères et européennes et à la Direction de l’Immigration.
Dans ce recours gracieux nous sollicitions un réexamen des décisions de refus de la protection temporaire aux parents et l’octroi de la protection à l’enfant et à ses parents. Pour cette famille qui avait tout investi pour financer leurs études en Ukraine et tout perdu, et vécu le traumatisme du départ périlleux d’un pays en guerre, un retour en sécurité au Nigéria n’était pas une option réaliste et acceptable.
A ce jour, presque trois mois après, aucune réponse ou réaction est parvenue à notre recours gracieux. Selon nos informations, aucune réponse non plus au recours en contentieux présenté par l’avocate conseil de la famille, ni à la demande de protection temporaire introduite au nom du mineur, né sur le territoire luxembourgeois.
La recherche de solutions alternatives et viables
Face à la précarité et au manque de perspectives au Luxembourg (difficultés à trouver un logement, ce qui a donné lieu à de multiples déménagements, manques d’aides sociaux etc), et suite à des contacts avec des associations allemandes, la famille a décidé d’accepter une solution alternative qui répondait à leurs besoins de sécurité et protection à plus long terme. C’est ainsi que nous avons accompagné et soutenu la famille dans leurs démarches tout au long de cette phase de transition. Les parents et leur enfant sont désormais installés en Allemagne où ils bénéficient d’un logement approprié et d’une aide sociale, et les procédures de permis sont en cours.
Un bilan provisoire – quelques constats
Cette expérience, les échanges avec la famille et les personnes et associations solidaires, ainsi qu’avec les autres acteurs, nous ont permis de faire quelques constats :
- La situation de cette famille n’est pas un cas isolé.
- L’isolation et le stress permanent, la longueur et la rigidité des procédures administratives exposent les personnes exilées à des risques accrus en termes de santé psycho-physique, de sécurité, et de protection de leurs droits fondamentaux sans aucune discrimination, d’autant plus dans le cas de mineurs, de femmes, et de personnes appartenantes à des minorités.
- Les structures officielles, les institutions et les réseaux d’aide existants au Luxembourg ne sont pas toujours en mesure ou disposées à s’occuper de certaines situations. Il y a souvent un manque d’information, de connaissances et de coordination entre les nombreux acteurs/actrices et les réseaux d’aide existants.
- Si l’intervention de personnes et d’associations engagées de la société civile et de leurs réseaux peut faire une différence et avoir un impact direct sur les personnes concernées, là où il y a des failles ou des retards au niveau des institutions ou d’autres organisations, les problèmes rencontrés sont structurels et demandent des réponses et solutions politiques.
Lire ici le communiqué de Finkapé asbl – Passaparola asbl – Time For Equality asbl
[1] Pays tiers Un humanisme à durée limitée pour certains réfugiés venus d’Ukraine – Tageblatt.lu
Photo: @Tageblatt