Je raconte mon histoire, la mienne et celle d’autres femmes, non pas parce que je la considère comme particulièrement significative, mais parce qu’elle m’a appris qu’exercer en tant que femme, dans les lieux de pouvoir, ne suffit pas. Il faut s’affirmer avec courage, prendre en compte et assumer le fait d’avoir un point de vue souvent différent, après avoir identifié et valorisé cette différence.
Nous sommes heureux d’annoncer la publication prochaine, sur le site de Time For Equality, d’extraits en français du livre La giudice. Una donna in magistratura, de Paola Di Nicola, magistrate italienne, dans la traduction de Laurent Ramette.
La Giudice, un livre à mi-parcours entre la biographie et l’histoire collective des femmes en magistrature, marque le début littéraire de Paola Di Nicola.
Equality Dossier: La magistrature sous l’angle du genre
Paola Di Nicola est née en 1966 à Offida, dans la province d’Ascoli Piceno. Fille d’un magistrat de renom, très engagé dans la lutte contre le terrorisme, qu’elle définit dans son livre comme son “guide encombrant”, elle grandit en côtoyant les collègues de son père, qui fréquentent leur maison, en raffolant du “timballo di scrippelle” de sa mère, et certains desquels ont été tués par la mafia et par le terrorisme “afin que notre démocratie puisse devenir une démocratie accomplie” L’expérience vécue au sein de sa famille, dans l’ombre du seul modèle possible de magistrat, le modèle masculin, l’amène à suivre le parcours paternel, n’imaginant pas que la toge de magistrat “puisse avoir une valeur différente si portée par un homme ou par une femme ».
Actuellement Paola Di Nicola travaille au Tribunal Pénal de Rome, après avoir exercé les fonctions de magistrat de première instance en matière de droit civil, pénal et du travail, ainsi que de juge en matière de droit civil, d’exécutions immobilières et de droit pénal. Elle s’est également occupée de la formation des magistrats dans la région du Latium et a présidé, entre 2009 et 2010, la commission sur la crise des déchets en Campanie, spécialement constituée auprès du Tribunal de Naples.
Avant d’intégrer la magistrature, Di Nicola ignorait que cette profession avait été refusée aux femmes par un choix conscient d’exclusion. L’histoire conserve par contre la mémoire de cette discrimination, et la juge ne craint pas de rouvrir les dossiers poussiéreux des travaux de l’Assemblée constituante et de retrouver le débat qui avait eu lieu pour décider si accorder ou non aux femmes le droit d’exercer la fonction de magistrat. Di Nicola nous guide ainsi dans la bibliothèque de la Cour Suprême, dans le secteur qui abrite les travaux de l’Assemblée et nous offre un aperçu sur cette étape fondamentale de la République italienne, retraçant la variété des stéréotypes de genre mis en scène à cette occasion, et qui représentaient les femmes comme hystériques et passionnelles ou comme un agréable ornement des institutions masculines.
En Italie, les femmes ont été exclues des salles de justice non seulement en tant que juges, mais même en tant que victimes, et l’auteure ne manque pas de rappeler cette blessure, en retraçant le célèbre procès pour viol de Latina. C’était l’année 1978, Fiorella, alors agée de 18 ans, avait traduit en justice les quatre hommes qui l’avaient enlevée et violée pendant une journée entière. Le procès fut filmé et diffusé l’année suivante par la télévision italienne, RAI, sous le titre « Procès pour viol « (Processo per stupro), offrant ainsi à l’opinion publique italienne l’image d’une justice violente envers les femmes, qui allait jusqu’à autoriser des attitudes de plaisanterie complice entre les hommes présents dans la salle – avocats, accusés et juges – et surtout, la transformation de la victime en accusée.
Pourquoi donc la juge Di Nicola se demande-t-elle si son appartenance au genre féminin brisera son autorité vis à vis d’un accusé dans une salle de tribunal? La réponse est offerte à différents moments et avec la plus grande clarté par l’auteure : comme toutes les femmes juges, elle a hérité d’une histoire d’exclusion de l’exercice du pouvoir judiciaire et porte en elle, comme toutes les femmes, une mémoire millénaire de subordination et de marginalisation
En mai 2013, Paola Di Nicola présentait son livre, pour la première fois à un public francophone à Luxembourg. Ici des vidéos de la conférence (sous-titres français). A cette occasion Rosa Brignone, fondatrice de Time For Equality, s’est entretenue avec Paola di Nicola. Pour la traduction française de cet entretien, clicquer ici.
Ainsi Dominique Sander-Emram, sur Femmes Magazine Luxembourg (juillet 2013):
Si Paola Di Nicola a choisi de publier son livre sous le titre «La giudice» (La juge), dans un pays et une langue qui n’admettent que le genre masculin accolé à certaines professions, ce n’est pas par hasard, loin s’en faut! Exigeante envers elle-même comme envers les autres, elle s’est en effet interrogée avec honnêteté sur un épisode perturbant qui mêlait féminité et exercice de son métier. Un livre d’une rare intelligence, présenté à Luxembourg à des spectateurs visiblement séduits par la femme, et la juge.
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